Cette année, mon objectif était de me lancer sur une distance de plus de 100km. Après la Transvulcania et la MIUT, je cherchais un ultra de moins de 110km, au mois de mai ou juin, et dans un endroit où il fait beau (non merci la pluie et les orages sur plus de 100km) ! Après quelques recherches sur le site ITRA, je suis tombée sur le Tenerife Blue Trail qui présentait tous les critères réunis !
Un copain traileur de Biarritz l’a fait en 2018 et m’a dit qu’il était super et qu’il fallait s’inscrire tant qu’il n’était pas encore « trop médiatisé ». Le lendemain, je sautais le pas.
L’inscription à la course
La bonne surprise, c’est que l’inscription à l’Ultra coûte 86€ (même pas 1€ le km.. aujourd’hui c’est plutôt rare avec toutes ces courses « à fric ») et qu’il permet de cumuler des points ITRA. Une fois l’inscription validée, je prends mon billet d’avion pour Tenerife au départ de Bilbao, moins de 100€ avec un bagage en soute. Je crois que j’ai fait une bonne affaire… mais dans quoi je me suis embarquée !! 🙂
Quelques mois plus tard, Astrid mon amie me fait la surprise : elle a pris ses billets d’avion et vient faire l’ultra avec moi !
La prépa en amont de la course
Pour ne pas souffrir sur ce type de distance, je décidé de bien me préparer et suis l’entrainement spécial « Ultra » qu’a préparé le coach de l’Aviron Bayonnais Trail. 20 semaines de préparation, parfois intenses, et difficile à allier avec le travail et la vie sociale.
Arrivée à Tenerife
5 juin, réveil à 3h du matin.. On part pour l’aéroport de Bilbao. Après 3h de vol, nous voilà en train de survoler le Teide : la plus grande difficulté de l’ultra. Il me fait de l’oeil le coquin !
Chloé et Adrien, sont venus m’accompagner, ils vont s’aligner sur le format Marathon. Je suis contente de les avoir ici, ça fait vraiment chaud au coeur d’avoir des copains pour me soutenir ! On a reservé une villa sur Airbnb à Puerto de La Cruz (arrivée de la course), c’est vraiment magnifique ! Maison d’architecte, piscine, lit à baldaquin dans le jardin… Parfait pour se relaxer avant la course !
Le retrait des dossards
Le 6 juin, on va retirer les dossards au Recinto Ferial à Santa Cruz de Tenerife. Quelle ambiance ! Musique à fond, démonstrations, kinés, les magasins spécialisés exposent… Je présente ma carte d’identité et la procuration d’Astrid qui nous rejoint le lendemain, et on nous remet les sacs de coureur et les dossards. Chloé et Adrien récupèrent également leur dossards pour le marathon.
Le Jour J : le départ de la course
le 7 juin, je décide de faire la grasse matinée car le départ de l’ultra est à 23h30, et je ne suis pas sure de réussir à faire la sieste. Levée à 10h, toujours pas la moindre sensation de stress. Astrid arrive dans l’après-midi à Tenerife, on essaye de faire une sieste d’une heure. A 18h, on prépare nos affaires. A 20h, on mange des pâtes, je n’ai vraiment pas faim et je suis déjà fatiguée de la journée, j’irais bien au lit…
A 21h, on prend la route vers Costa Adeje. On essaye de dormir dans la voiture, mais la route qui rejoint Adeje est vraiment sinueuse ! Impossible de fermer l’oeil. A 22h15, nous voilà garer à Costa Adeje. On se prépare devant la voiture, et on file au départ à Playa Fanabe. Au niveau de la ligne du départ, il n’y a que des hommes !! Les filles vous êtes où ? On vous compte sur les doigts de la main… Je ne comprends pas où les coureurs ont réussi à caser leur matériel obligatoire. Avec Astrid on a presque 2kg500 chacune sur le dos et eux paraissent en avoir à peine 1. Avant d’entrer dans le SAS de départ, on contrôle nos sacs. On doit montrer la couverture de survie, la veste et la frontale… Mais beaucoup passent à côté du checking.
Un départ dans une ambiance de folie !
A 23h15, on se place sur la ligne de départ. Le speaker met l’ambiance. A 23h30, les percussions annoncent le départ ! C’est le feu ! Dans le ciel, un feu d’artifice éclate ! Les bandas donnent le rythme, la foule en délire nous encourage avec des « Animo, Animo »… Je prends vraiment du plaisir et je me dis que cette course va vraiment être cool !
Nous voilà parties… Plus que 102km à parcourir avant d’aller au lit ! Dès le départ, les premiers mettent un rythme élevé et nous distancent ! après 5 minutes sur le bitume au milieu de la foule, on passe par le sable sur la plage et ça commence à bouchonner. Ça double de partout et n’importe comment.. heureusement ça ne dure pas longtemps et on rejoint de nouveau le bitume pour longer le front de mer. L’air de l’Océan est appréciable .
La montée dans la nuit
On s’éloigne ensuite de l’océan pour commencer la montée dans « El Barranco Del Infierno » autrement dit « Le Canyon de l’Enfer » .. Pourquoi ? Parce que même à minuit, c’est un four ! Il fait très très chaud, les rochers du canyon ont gardé la chaleur et il n’y a pas d’air.. Je regrette d’être partie en legging. Dans le canyon, pas mal de déchets.. Je suis contente d’être partie de nuit.. De jour, je pense que c’est limite une décharge publique ! On prend un rythme de montée régulier dans la caillasse.
Le bruit des tam-tam nous fait comprendre que l’on n’est plus très loin du premier ravito. Nous voilà à Adeje (8,50km) ! On traverse la ville, le public est encore là pour nous encourager. On ne traine pas trop au ravito et on continue notre route.
C’est tellement pentu !! Les frontales illuminent le ciel comme des étoiles filantes ! L’effort va être difficile. Finalement, on parle beaucoup et la montée passe bien… Au bout de 6km et 750D+, nous voilà à La Quinta. Je m’étire un peu (ma cuisse me dérange depuis le km10), on s’alimente bien et on repart…
On ne fait que monter sur des cailloux et à travers des sentiers, jusqu’au ravito de l’Auberge Vilaflor (km32, 2 474D+). Là, je décide de mettre de la crème Nok sur les pieds. On boit un bol de soupe qui nous fait vraiment du bien, le sel commence déjà à nous manquer ! (sur les ravitos il n’y a que du sucré). Je remonte mes manchons car il commence à faire vraiment frais. On ne reste pas trop, il faut courir pour se réchauffer.
Un lever de soleil magnifique dans le Parc national du Teide
Après 2h de montée, le soleil commence à se lever dans le parc du Teide… C’est sublime ! La mer de nuage à l’horizon se teinte de rouge.. le ciel devient orangé. On n’est pas déçues du voyage !
Les premiers du 68km (un autre format de course) commence à nous doubler. C’est pénible car on doit se rabattre pour les laisser passer, et ça casse notre petit rythme. On les encourage quand même, ils sont impressionnants à courir dans ces portions de montées. On monte péniblement dans le sable noir, il fait chaud, alors qu’il est à peine 7h30.
Quand soudain, on arrive en haut d’un col et on aperçoit le Teide ! Magnifique ! Mais il parait si haut et si éloigné !
On descend ensuite jusqu’au Parador (Km 48) où Mathieu nous attend au ravitaillement. On a vraiment envie de manger salé ! ça tombe bien il y a des pâtes au ravito.. Le seul hic, elles sont froides ! On se force quand même à manger, c’est pas terrible… On se tartine de crème solaire, le soleil tape déjà ! On prend vraiment le temps de s’arrêter ici, car le prochain tronçon est la plus grande difficulté de toute la course.
L’Ascension du Teide ou comment sortir de sa zone de confort !
Après une demi heure de pause, on repart. C’est parti pour l’ascension du Teide !
Un tronçon de 10km et 1508D+ à une altitude oscillant entre 2100 et 3700 m ! Le Tenerife Blue Trail est le trail le plus haut d’Espagne, et le 2ème plus haut d’Europe ! Ça grimpe dès le début… Mais à partir de 3000 m d’altitude, je n’ai plus de jus. Le souffle est coupé, mes jambes ne répondent plus. Astrid à l’air bien, elle habite à Chamonix et fait beaucoup d’alpinisme, ça doit aider pour faire face aux effets de l’altitude ! Tous les kilomètres, j’ai besoin de m’arrêter. J’ai l’impression que mon coeur va exploser, mes paupières sont hyper lourdes… Je commence à être fatiguée. Les 3 derniers kilomètres sont terribles, plus de 700 D+ en haute altitude.
On aura mis 4h pour faire l’Ascension du plus haut sommet d’Espagne. A l’arrivée à Rambleta, au km59 les visages sont défaits.. Certains coureurs sont branchés à des électrocardiogrammes sur des lits de camps, d’autres perfusés. On demande des pâtes au thon (cette fois-ci elles sont chaudes !), avec l’épuisement et la fatigue, je me renverse toute l’assiette dessus. Tremblante, j’essaye tant bien que mal de m’essuyer mais je n’y arrive même pas. Heureusement, les bénévoles sont là pour m’aider et me soutenir. On me dit de m’asseoir et on me sert une autre assiette et un verre d’eau gazeuse et là les larmes me viennent toute seule. Les nerfs lâchent ! Astrid me propose de faire une sieste de 10 minutes. Assise, je me laisse à peine aller, que je dors déjà ! Je sens que ma tête bouge dans tous les sens, mais je dors si bien. Le réveil sonne au bout de 10 minutes. Je me sens en pleine forme ! Un vrai sommeil réparateur.
Allez, c’est parti pour la descente. Je me sens tellement lucide après cette sieste. C’est vraiment magique ces « power nap » ! On descend bien, le terrain est un peu technique. Au bout de 5km de descente, Astrid qui avait déjà une cheville fragile se foule l’autre. On s’arrête à un poste de secours en contre bas. Elle repart avec un bandage mais on ralentit nettement la cadence dans la descente.
L’interminable descente… et le petit kilomètre vertical !
Sur le plateau du Teide, le tronçon dans le sable est interminable. On mange beaucoup de poussière, il fait vraiment très chaud. C’est long. Astrid ne sait pas si elle abandonne au prochain ravito ou si elle continue avec moi.
On arrive au ravitaillement Recibo Quemado km72 avec beaucoup de retard. Astrid décide finalement de continuer avec moi mais on va baisser le rythme.
Changement de climat ! On descend vers Tigaiga à travers une végétation luxuriante et la brume. On est seules. On ne croise personne. On a l’impression de voir des visages sur les arbres et à travers les feuilles, on commence à avoir des hallucinations avec la fatigue.. Première fois que ça nous arrive !
A Base Del Asomadero, au km85, un KV nous attend, mais nous on ne l’attendait pas ! 2km pour 700 D+ par des marches à travers les bois. Je ne sais pas comment, on trouve un regain d’énergie, et on monte ces marches très rapidement ! On gagne 25 places.
Astrid souffre vraiment des pieds dans les descentes. C’est compliqué de trouver les mots pour continuer à l’encourager… A Tigaiga, où Chloé et Adrien nous attendent, il nous reste seulement 9 km avant l’arrivée. Astrid serre les dents, et on avance finalement assez rapidement. Encore quelques montées et quelques descentes à avaler, mais on est si près de l’océan que ça sent la fin !
La foule à Puerto de la Cruz… la finish line !
4km avant l’arrivée, Mathieu vient nous chercher… Tout le monde dans la ville de Puerto de la Cruz nous applaudit « Aupa campeona », on a l’impression d’être les premières.. et pourtant.. on arrive 1h à peine avant la barrière horaire ! 22h53 de course et nous voilà en train de franchir la ligne d’arrivée main dans la main ! Quel bonheur !!!
Je suis si fière de nous deux. Je prends Astrid dans les bras et profite de ce moment pour pas que ça passe trop vite.
Je me sens tellement bien.. Je me dis que j’aurais presque pu continuer un peu ! Surement la bonne préparation et surtout la sieste au sommet !!
Je prends Chloé et Adrien dans les bras et je vais récupérer mon tee-shirt de finisher le sourire au lèvre.
Nous finissons 287e sur 354 finishers , et sur 460 qui ont pris le départ (beaucoup ont été arrêtés par les barrières et/ou ont abandonné).
Un bilan plus que positif !
Le parcours de ce trail est vraiment beau ! Le tronçon du 65e au 85e km est un peu monotone, mais le parc du Teide est vraiment magnifique ! L’ascension du plus haut sommet d’Espagne aura été pour moi le moment le plus difficile de la course. Je suis très heureuse d’avoir partagé tout ça avec mon amie Astrid. ça restera une expérience gravée à vie ! Je suis si émue de tous les messages que j’ai reçu de ma famille et de mes amis et de la présence de Mathieu, Chloé et Adrien pour me soutenir sur la course. Je crois que pour la première fois, je suis à peine arrivée que j’étais déjà motivée pour repartir courir !
Si le Tenerife Blue Trail vous fait de l’oeil… Foncez ! L’ambiance est folle ! Mais prenez bien conscience des barrières horaires qui sont compliquées à atteindre si vous avez un niveau intermédiaire comme moi…
J’ai adoré lire ce CR. Vous êtes de grandes championnes. Un immense respect pour cette belle performance et ce défi relevé brillamment ❤
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Oh merci trop gentille !! Me tarde te lire ton petit récit à toi aussi !
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